« Être chef d’orchestre, ce n’est pas un métier. C’est une vocation, parfois un sacerdoce… souvent une maladie ; une maladie dont on ne guérit qu’en mourant… », affirmait le chef d’orchestre français Charles Munch.
Vocation encensée, sacerdoce envié, maladie révérée, la mission du chef d’orchestre a toujours fait beaucoup parler et rêver. Mais le chef n’est-il pas avant tout un musicien, au même titre que ceux qu’il dirige ? S’il est nécessaire, et parfois même indispensable à l’exécution de certaines œuvres, il a lui aussi besoin des autres, besoin de « ses » instrumentistes.
Quelles doivent donc être les qualités particulières de ce musicien, pour qu’il soit autorisé à accéder au pupitre ? Tout d’abord une aptitude à transmettre sa vision de l’œuvre, à la communiquer, à l’enseigner. Il doit pour cela connaître l’humain, le comprendre, anticiper ses réactions, mais aussi avoir suffisamment de conviction pour réussir à substituer sa propre volonté à celle des instrumentistes, choristes, solistes qui lui sont confiés. Le chef doit en effet assumer la part de solitude que comporte sa fonction, dans la quête d’une esthétique à laquelle il ne peut parvenir sans les autres, mais dont il est le seul à pouvoir donner la direction.
Amener à la beauté, telle est l’ambition du chef ! Il doit donc montrer l’exemple. Être vrai, sans détour, faire passer un message clair, évident, intelligent afin que chacun des musiciens de l’orchestre lui fasse pleinement confiance et qu’aucun d’entre eux ne doute de ses choix, même si le chemin est parfois étonnant, déroutant ou inattendu.
Appelée à la direction d’orchestre dès mon plus jeune âge, passionnée par la transmission, auprès de jeunes instrumentistes en apprentissage comme de professionnels confirmés, des publics aguerris ou des auditeurs timides, je dis « oui » à cette vocation au service du répertoire symphonique, en donnant à chaque répétition, à chaque concert, « un peu de ma vie », tout en tentant de conserver « assez de sang-froid pour reconnaître que le résultat aurait pu être meilleur », comme le disait encore Charles Munch.
Travail et persévérance sont au cœur de ma vie de chef, puisque « Pour être chef d’orchestre, il ne suffit pas de travailler dix ans et de montrer quelques dons : il faut travailler, du premier matin où l’on passe la porte du conservatoire, jusqu’au soir où l’on achève épuisé, le dernier concert de sa carrière. »*
Laëtitia Trouvé
*L’Art du chef d’orchestre, Charles Munch, Éd. Pluriel, Inédit